Auteur : Michel Meunier
Sur les traces des récits d’alpinisme de Maurice Herzog et de Sir Edmond Hillary, j’ai donc décidé d’atteindre le camp de base du mont Everest. Je me suis lancé tout un défi! Voir de près le sommet du monde en empruntant la même route qu’a empruntée Edmund Hillary en 1953.
Un défi et beaucoup de volonté
Quand on me pose la question sur la nature de ce défi, je réponds « Si je ne le faisais pas là, je ne l’aurais jamais fait! Dans la vie, il faut réaliser ses rêves ».
Prenant la décision en avril 2013 pour un départ en octobre, la préparation fut intense : 45 min de course à pied 2 fois par semaine, et beaucoup de vélo ont permis de me préparer physiquement pendant l’été.
Mais qu’à cela ne tienne, pourquoi escalader l’Everest si nous ne grimpons pas sur nos propres montagnes? Marchant sur les montagnes du Québec à chaque fin de semaine d’automne jusqu’à monter le mont Washington deux fois de suite à l’Action de Grâce, qui culmine à 1 916 mètres, j’étais prêt.
Montréal – Katmandou
Départ de Montréal le 20 octobre. Se rendre à Katmandou n’est pas une sinécure. L’avion survole l’océan Atlantique, l’Europe (1e escale), les mers Noire et Caspienne, l’Azerbaïdjan, le nord de l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan et le nord de l’Inde, je parvins à Katmandou via Dehli (2e escale) après plus de 30 heures de vol et d’attentes dans les aéroports.
Katmandou est la capitale du Népal avec ses 3 millions d’habitants, nichée entre l’Inde et la Chine. Dans un trafic chaotique où aucune lumière ou signalisation ne régule la circulation et un air fortement pollué et poussiéreux, je découvre mon hôtel 4 étoiles où je resterai quelques jours afin de me remettre du décalage horaire (11h45 depuis Montréal). Là je rencontre les guides d’Expédition Monde et le reste de l’équipe (6 autres Québécois). On en profite aussi pour visiter, entre autres, la vieille ville (Pattan) et quelques-uns des nombreux temples bouddhistes (Stupa) et hindouistes, et bien sûr prendre quelques bières népalaises. Question de s’acclimater!
L’aventure commence…
4h du matin, on prend place dans un petit bimoteur à hélice de 16 places non pressurisé. Une hôtesse est présente à bord et offre un service de bonbons et de ouate pour les oreilles. Les bonbons pour la pression et la ouate dans les oreilles pour le bruit.
Volant ainsi au-dessus et entre les hautes montagnes pendant environ 45 min., on atteint la ville de Lukla (à 2 860 mètres d’altitude), reconnue pour avoir un des aéroports les plus dangereux au monde. L’aéroport est constitué d’une seule piste d’atterrissage à flanc de montagne très, voire même trop, courte avec une pente de 12 degrés…de quoi vivre des sensations fortes!
Une fois sur place, on fait alors connaissance avec les sherpas et les cuisiniers de l’expédition, puis muni de mon sac à dos (dont le poids varie entre 5 et 10kg), de lunettes solaires et d’un chapeau à large rebord, on entame la marche.
Pour la première journée, on marche dans la vallée dodkoshi « Milk River» prénommée ainsi en raison de l’eau blanchâtre de la rivière causée par la fonte des glaciers de l’Himalaya.
Le passage d’un premier pont suspendu fut terrifiant pour certains, seuls quelques câbles en acier et un plancher de 1 m de largeur permettent aux hommes, femmes, enfants et porteurs et aussi aux animaux (vénérés dans cette région du monde) d’accéder d’un village à un autre. Il y a beaucoup de ces ponts, dont quelques-uns à plus de 200 m de hauteur, puisque la piste traverse plusieurs fois des rivières.
La première nuit se passera sous la tente aux abords d’un village.
Réveillé à 6h du matin à chaque matin avec du thé noir (notons que l’alcool est interdit pendant le trekking), le périple reprend.
Parcourant en moyenne 5 à 8 km et ne gravissant pas plus de 500 à 600 m d’altitude par jour, après 3 jours, on atteint la Ville de Namche Bazar, nichée à 3 500 m.
Namche Bazar
Une pause de deux jours à Namche Bazar sera nécessaire afin de permettre au corps de s’acclimater à l’altitude. Le souffle court, on dormira ainsi dans un « tea house », sorte de bâtisse de pierres et de bois, sans chauffage dans les chambres, avec des commodités sanitaires minimales et dont la température avoisine le zéro la nuit. Pendant cet arrêt, nous avons visité un hôtel (Everest view) situé à 3 900 m, une petite ascension de 400 m pour se dégourdir les jambes.
Ça continue
Le lendemain, le trek reprend sur une piste étroite et très abrupte avec beaucoup de trafic d’animaux (Yak) et « d’autres sensations fortes ». On a visité le populaire monastère de Dienboche. Il neigeait avec des températures sous zéro… et nous avons dû enlever nos chaussures pour y entrer.
Au-delà de 3 500 m d’altitude, seules les forêts de Rhododendron nivale sont capables de survivre aux conditions extrêmes et quand le corps est affaibli et en manque d’oxygène, leurs seules présences fait une différence.
L’ascension se poursuit, Deboche 3 900 m, puis Dingboche 4 500 m, deuxième arrêt d’acclimatation. La température la nuit tombe à -10C et on commence à apercevoir de la neige au sol. Ensuite, la marche reprend pour Lobuche 5 000 m, où il fait -15C la nuit. On contemple un paysage unique, mais rude où les sherpas, souvent petits, portent des charges allant jusqu’à 100 kg à l’aide d’un simple bandeau sur la tête. Tout au long du parcours, la population locale des villages est très accueillante et hospitalière.
Camp de base
Le camp de base est atteint, après 5 h de marche exténuante le long du glacier du Kumbu, en passant par Gorashep. Toute l’équipe a réussi son défi. C’est l’euphorie, même si on ne se sent pas trop bien à cette altitude (maux de tête, nausées, insomnies, etc). On est entouré de sommets blancs de 6 000 m et 7 000 m où les neiges sont éternelles (Lotse, Nhupse, Cho Yu), qui ne nous paraissent pas si haut vu qu’on est à 5 400 m. L’Everest, quant à lui, culmine à 8 848 m d’altitude.
Le camp de base est signalé par un monticule de pierres où flotte une myriade de drapeaux multicolores (contenant des prières bouddhistes).
Physiquement exténué (l’air ne contient que 50 % d’oxygène à cette altitude), le moment ne durera que 15 minutes avant d’entamer la descente.
Le retour
Alors que l’ascension prit 9 jours en raison des 2 jours d’acclimatation, la descente, n’en prendra que 5 et s’achèvera par une soirée de danse à Lukla avec beaucoup de bières népalaises, et des adieux émouvants à notre équipe de sherpas. Le lendemain, on reprend le petit avion pour le vol de retour. Après un décollage spectaculaire avec virage serré à gauche pour éviter la montagne d’en face, nous sommes de retour à Katmandou. Une première douche après 15 jours et une température extérieure de 25C sont fortement appréciées par le groupe.
C’est le temps des adieux des membres de l’expédition, un moment touchant après 18 jours de vie commune intense. Chacun prendra un vol différent pour le retour au Québec. Denise étant sans nouvelles de moi depuis le début de l’expédition, je rentre tranquillement le 9 novembre en cognant à ma porte. Les communications étaient très difficiles et lors de ce genre d’expédition, vous savez quand vous partez, mais pas vraiment quand vous rentrerez.
Pour moi, ce voyage fut l’aventure d’une vie. Beaucoup de spiritualité et d’humilité. Les Népalais et les sherpas sont saisissants, souriants et sont heureux avec peu. On en revient changé, enrichi, en ayant à cœur l’essentiel…et avec 10 livres en moins.
Bien que mon prochain voyage dans le sud sera probablement en formule tout inclus, je crois faire partie des rares a avoir tenté ce genre aventure. La marche au camp de base de l’Everest n’est pas si difficile en soi. Ce sont plutôt l’altitude et les conditions de vie extrêmes qui rendent cette expédition difficile. Le guide nous a dit que pour réussir ce trek, c’est simple « il faut 50 % de forme physique et 50 % de force mentale ». Rappelons qu’une moyenne de 18 personnes/jour sont évacuées par hélicoptère sur ce trek.
Ma prochaine aventure? Peut-être l’Amérique latine ou le Pérou.
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