Texte et photos : Jacques Girouard
Depuis les 10 dernières années, à tous les deux ans, j’ai accompagné nos amis en trek dans les Alpes. Jusqu’à maintenant, toujours du côté français. Cette fois, nous avons passé la frontière italienne et remplacé nos habituels circuits de grande randonnée par neuf jours de haute route sur la Alta Via 2. Ce n’est pas un itinéraire facile avec une moyenne quotidienne de 8 h de marche, des dénivelés positifs ou négatifs dépassant souvent 1 000 m et des cols avoisinants les 3 000 m d’altitude.
Notre première journée consiste en une belle et longue montée de 1 050 m qui nous mène de Cogne au refuge Vittorio Sella. Nous marchons sous un ciel couvert. Les quelques périodes de crachin ne nous obligent pas à mettre nos impers. Des averses soutenues débutent en soirée et perdurent toute la nuit.
Au matin, la pluie a cessé. Les nuages, encore bien présents, luttent contre les rayons du soleil qui tente de prendre sa place dans le ciel. Les paysages sont parfois inondés de soleil ou se perdent dans un épais brouillard passager. Nous demeurons sur le sentier principal qui est bien dégagé et peu enneigé. La montée, bien que soutenue, est rapide. Nous arrivons au col en moins de 2 h 30. Surprise, nous sommes au Col de la Rosa à 3 193 m alors qu’on devrait être au Col Lauson! À cause de la neige au sol et du brouillard, nous avons manqué l’intersection du sentier secondaire de notre itinéraire. Un coup d’œil à la carte nous montre qu’on devrait être beaucoup plus à gauche. Nous coupons dans la neige à flanc de montage vers deux autres randonneurs. Encore une surprise : ils ne vont pas au Col Lauson… Nous descendons aux pieds de la cuve. D’après la carte, on devrait pouvoir accéder à notre sentier à partir de là. La pluie soutenue de la nuit a gorgé la neige d’eau. Celle-ci ne nous offre aucune portance. Nous enfonçons jusqu’aux genoux et parfois même jusqu’aux hanches à chaque pas. Après presque 2 h à piétiner péniblement vers une crête rocheuse que nous n’atteignons pas, nous décidons de rebrousser chemin et de redescendre à Cogne. Là, nous prenons l’autobus pour changer de vallée et nous rendre au refuge où nous aurions dû arriver… Nous devons presque courir pendant la longue descente afin de ne pas manquer l’autobus, mais nous y arrivons.
Au jour trois, nous prenons la direction du refuge Benevolo en passant par le Col Rosset (3 023 m). Les nuages ont complètement quitté le ciel. C’est le début d’une période de canicule en Europe. Le soleil est cuisant et même l’altitude nous offre peu de rafraîchissement.
Notre itinéraire, pour cette quatrième journée de marche, passe par un col qui n’a pas encore été traversé cette année et dont les versants particulièrement abrupts sont couverts de neige. Ce n’est pas parce qu’on a choisi un parcours plus difficile (haute route) qu’on n’est pas en vacances pour autant! Ainsi, afin d’éviter de quitter le refuge aux petites heures du matin dans le but de marcher sur une neige durcie, nous décidons de prendre une journée de congé. Nous demeurons au refuge Benevolo une journée de plus et parcourons les sentiers environnants : rando facile de 6 h avec un dénivelé positif et négatif d’environ 450 m. Ensuite, le bus nous mène à notre prochain refuge d’où nous reprenons l’itinéraire initial.
En ce sixième jour, nous nous dirigeons vers le Col de Crosatie. Le sentier est bordé de fleurs et de verdure et les prés ensoleillés forment la trame de fond. Il monte doucement mais régulièrement jusqu’à une superbe vallée alpine. Là, le chemin traverse encore des champs de fleurs et longe un ruisseau gorgé par les eaux de la fonte des neiges. De la vallée, nous atteignons le Lac du Fond (2 439 m). À partir de là, et pour les prochains 400 m, la piste monte en virages courts et serrés jusqu’au sommet du col. Malgré les 9 h 30 de marche, un dénivelé positif de 1 284 m et plus encore en descente, c’est, de l’avis de tous les membres du groupe, les plus beaux paysages que l’on ait jamais parcourus.
Le lendemain, sachant que nous aurons à évoluer sur une couverture enneigée, nous prenons la route un peu plus tôt. Selon le guide de randonnée, nous devrions mettre 3 h 30 pour rejoindre le col. Les parois de la cuve menant au Col Haut Pas sont couvertes de neige et très abruptes. Nous devons creuser nos pas dans la neige au fur et à mesure de notre progression. J’aborde la montée au centre gauche de la cuve alors que mes camarades optent pour le côté droit. Au lieu de grimper en ligne droite ininterrompue, l’accès par la droite leur permet de rejoindre deux ou trois affleurements rocheux où ils peuvent souffler un peu. Cependant, leur progression se fait de façon transversale et augmente les risques de chute. Plus on prend de l’altitude, plus l’angle de la pente augmente. Un faux pas peut vraiment mener à une catastrophe. Tous nos sens sont aux aguets. Finalement, après cinq longues heures, nous atteignons le sommet du col. Nous sommes vidés, mais heureux. Tout s’est bien passé! Les mains tremblantes de fatigue, nous prenons quelques photos et débutons la descente. Nous atteignons rapidement un magnifique couloir de neige durcie qui nous permet de descendre en douceur et, surtout, rapidement au refuge Deffeyes où nous prenons une longue pause. Là, nous achetons une Fanta. Un peu de sucre pour se refaire suffisamment de « woumph » pour compléter la journée. Le scepticisme du responsable du refuge se transforme en milles questions lorsqu’il réalise d’où nous venons. Il nous apprend alors que nous sommes les premiers à avoir passé le col cette année. Nous terminons notre journée après 9 h 45 de marche. Heureusement, du moins on le croit, les deux prochaines journées devraient être plus facile!
Outre une lame de neige de près de 10 m de haut à gravir, la traversée du Col de Chavannes, en direction du refuge Elisabetta, nous offre effectivement une belle journée facile. Wow, 6 h de marche seulement!
Du refuge Elisabetta, nous rejoignons Courmayeur. Nous sommes maintenant sur un sentier combiné tour du Mont Blanc et Alta Via 2. Le ciel est quelque peu ennuagé et l’humidité s’est ajoutée à la chaleur sous laquelle nous évoluons depuis le début du voyage. Cependant, nous bénéficions de paysages à couper le souffle sur les glaciers, les aiguilles et l’ensemble du massif du Mont Blanc.
Enfin et déjà, notre périple est terminé. Enfin, parce que la France et l’Italie connaissent une période de canicule exceptionnelle et que ça commence à être pénible de passer 8 à 10 h à randonner sous une telle chaleur. Déjà, parce qu’il nous faut quitter notre routine « dodo – rando – souper copieux». Les refuges et gîtes de montagne italiens sont superbement entretenus, modernes ou fraîchement rénovés. On y sert des soupers de trois et parfois même quatre couverts… Et, pas des pâtes, ni de polenta! Malgré les longues et exigeantes heures de marche quotidienne, ce n’est pas là qu’on voit fondre ses kilos.
Après six GR, on se questionne sur notre prochain trek européen. On se dit qu’il serait peut-être temps de prendre une orientation totalement différente. Quitter la montagne pour la côte peut-être? Heureusement, nous avons encore plusieurs mois pour y penser!
Liette Sicard says
Wow! Très beaux paysages. Mais combien difficile! Félicitations! Et merci d’avoir partagé votre périple avec nous.
Michel Meunier says
Quel beau trek vous avez fait. Des photos a couper le souffle. Pour ce qui est d’un trek différent, je peux vous suggérer la East Coast Trail a Terre Neuve. J’ai rencontré des gens qui en on fait une partie. Ils ont aimé.
De Michel de Terre Neuve
Danielle says
Nous arrivons aussi de Terre Neuve. 3 semaines de decouvertes d’est en ouest. Evidement avons fait les classiques du guide. Mais maintenant, nous pouvons y retourner pour cibler les secteurs et les sentiers. Avons fait la Sherwink trail (5:3km). Wow! paysages differents; boisés, falaises, quatres temps à perte de vue. Magique!
Marcel Vincent says
Wow tout un trek effectivement dans des conditions difficiles, très beau reportage de votre expédition, j’ai fait des randonnées dans les alpes et Dolomites Italienne d’une journée donc moins en altitude mais s’était difficile à cause de la moraine, mais avec la neige et la chaleur en plus, bravo.
A la mi-août je serai dans les Dolomites mais en vélo, il semble que les cols sont plus abruptes que ceux des alpes françaises, j’ai hâte de valider avec mon expérience il y a 2 ans mais avec votre récits, je vais poursuivre davantage ma préparation.
Merci pour le partage et au plaisir de vous revoir et à bientôt !
Jacques Chaput says
Wow ! Méchante rando digne d’Aventuriers aguerris. Beau partage et bien décrit mon Jacques.
T’as un don d’écrivain !
Danielle says
Merci de partager. C’est un plaisir de vous lire. C’a fait rever. Peut-être un reve a realiser.