Ce printemps, Émilie et moi avons planifié une petite sortie relaxe en canot-camping avec nos enfants. Quelques options avaient été regardées, puis notre choix s’est arrêté sur la rivière Rouge entre la ville de l’Ascension et la ville de Rivière-Rouge. Cette section est plutôt tranquille, comporte plusieurs plages de sable et un seul rapide.
Ce qui en fait une sortie idéale pour initier de nouveaux membres du club au canot-camping. Nous sommes donc quatre familles, dont une, de nouveau. L’organisation allait bien jusqu’à ce qu’il tombe 75 millimètres de pluie dans la région la veille de notre départ.
23 juin
Autour de 20h, la veille de notre départ, je reçois un courriel d’un des participants qui me demande si la sortie a toujours lieu, car un avis a été émis par la ville de Rivière-Rouge d’éviter la rivière cette fin de semaine. Après quelques téléphones à d’anciens membres, j’ai la confirmation que les plages où nous devions camper sont probablement noyées avec un niveau de 230 m3/s.
Nous nous plongeons dans l’analyse des cartes disponibles sur http://www.cartespleinair.org. Deux choix s’offre à nous comme alternative; la rivière de l’Aigle dans la région de Maniwaki ou la rivière aux Rats dans la région de La Tuque. Normalement, la rivière aux Rats n’est pas praticable au mois de juin, la décision est donc prise de faire cette rivière à 22h la veille du départ. Le niveau d’eau semble idéal selon les commentaires de la carte. La planification a été vite faite, les cartes imprimées et un nouveau point de rendez-vous convenu.
24 juin
Départ pour le point de rencontre, entrée dans la ZEC Wessonneau… les péripéties commencent. L’information que nous avions pour faire notre navette n’est plus bonne. Le préposé à l’accueil, avec la carte à jour de la ZEC, nous montre le nouveau chemin à parcourir pour se rendre au point où nous avions l’intention de nous mettre à l’eau. Nous avions prévu suivre une route d’accès de la ZEC, ce n’est plus possible. La route a été emportée par la rivière.
Première constatation à notre arrivée au camping et point de mise à l’eau : ouf! le courant semble plus intense que prévu. Nous avions analysé les commentaires de carte à ce niveau d’eau et le courant nous surprend un peu. Nous hésitons un brin.
Il était prévu d’aller sur l’eau pour faire une révision des techniques avec les nouveaux membres du club. J’ai préféré éviter la pratique, car au point de mise à l’eau, il y avait de bonnes chances que le courant nous emporte trop loin sur la rivière et il n’y avait pas vraiment de contre-courant accessible.
25 juin
Les canots sont chargés et les dernières consignes de sécurité sont données. Nous sommes donc 6 canots: 3 canots avec un adulte et un enfant; 2 canots avec 2 adulte et un enfant; un canot solo.
Au départ, il y a selon la carte, un R1-2 suivi d’eau vive juste après la courbe. En faisant le virage, nous réalisons trop tard qu’à ce niveau, la vague fait plus d’un mètre, soit une classification de R3, et l’eau vive est pas mal plus du R1 en continu. Le canot de ma conjointe et de notre gars le plus vieux dessale après s’être remplis a moitié d’eau dans ce premier rapide. Par chance, ils étaient à proximité du bord car il tentait de vidé leur canot. Les deux nagent facilement au bord de la rivière. Par contre, le canot part dans le courant. J’ai tenté de récupérer les deux nageurs avec mon canot, mais avec les canots chargés de bagages, nous sommes trop lourds, impossible de garder le canot en équilibre. Nous dessalons. J’ai pu récupérer mon plus jeune avec qui je pagaye ainsi que mon canot vu que nous étions déjà sur le bord de la rivière. Les deux autres nageurs se sont récupérés juste un peu en aval.
Malgré l’utilisation d’émetteurs-récepteurs portatifs (talkie-walkie), aucune réponse de David, qui ouvre la rivière, sur l’état du groupe et sur la récupération de l’équipement. Comme l’ancienne route longe la rivière, la décision est prise que ma conjointe et mon garçon marche jusqu’à un point qu’on identifie sur la carte. Elle part avec une gourde d’eau et quelques collations.
Une fois mon canot vidé, je pars à la recherche du reste du groupe et du canot. Environ 150 mètres plus loin, je retrouve une partie du groupe. Il manque le canot de tête et le canot de ma conjointe. Le groupe m’indique l’avoir vu recycler une quinzaine de minute dans une passoire avant de repartir dans le courant. Personne n’a réussi à le rattraper.
Nous repartons pour trouver les deux canots manquants. Un virage plus loin, je retrouve le canot de tête qui a réussi à récupérer le canot de ma conjointe. Je m’arrête, mais un des autres canots rate l’arrêt et part dans le courant, alors Émilie les suit pendant que j’organise avec David comment nous allons descendre le canot vide jusqu’au point de rencontre prévu. Le lit de la rivière est différent par rapport à notre carte topographique, ce qui complique la tâche de se localiser sur la rivière.
Au virage suivant, j’y retrouve les autres canots duo et je constate que le solo a dessalé sur le bord. Hélas, le canoteur lâche son embarcation et celle-ci part dans le courant. David part à la poursuite de ce canot. Je guide le participant pour qu’il me rejoigne. Il embarque dans le duo de ma conjointe que je remorquais. À peine embarqué, il dessale à nouveau. Il se ramasse dans les branches, sort de l’eau.
Ma conjointe avec quitté la route pour ce dirigé vers le point de rencontre que l’on c’était donnée. Elle arrive donc sur le bord de l’eau pour aidé notre soliste. Nous avons deux canot à la dérive, je part après le deuxième, pensent ne pas avoir encore atteint le point de rendez-vous. Je laisse Émilie aidé notre ami. Qui finalement va se joindre à ma conjointe ainsi qu’à mon gars pour continué à la marche.
Les deux canots vides s’immergent dans l’eau et s’échouent contre la berge dans l’extérieur d’un virage. Au virage suivant, il y a une plage où l’on peut enfin s’arrêter. Je pars rejoindre David pour sortir les canots de l’eau. À mon arrivée, je constate que David a déjà réussi à sortir le canot solo. Il part descendre le canot en solo jusqu’à la plage, et moi je ramène les enfants vers la plage. Je fais arrêter tout le groupe à cet endroit. La traverse a été dure pour les nouveaux membres, mais ils ont réussi. On organise la surveillance des enfants, et on retourne chercher l’autre canot. Le Prospecteur ayant perdu un ballon, il est immergé dans l’eau et s’est coincé dans une racine. La chance est avec nous, j’ai pu récupérer la corde qui est à l’autre pointe, puis seulement en tirant dessus le canot est presque décoincé. Je retourne dans l’eau, car le canot était toujours coincé par les cordages de la cage à ballon. Une fois la corde coupée, le canot est relâché. On remet le canot vide dans le courant. Pendant que David le tient, j’embarque dedans et pars en bac arrière pour me sortir de la végétation afin de le ramener à la plage.
Alors que nous reprenons enfin notre souffle après avoir été surpris par l’intensité de la rivière, nous prenons le temps d’analyser ce qui vient de se passer. Dans les quatre kilomètres de rivière parcourus environ, il y a peu de contre-courants et plusieurs modifications à la rivière par rapport à la carte. Nous constatons que la difficulté de cette rivière ne correspond finalement pas du tout au niveau du groupe pour cette sortie.
Les participants vont rester sur la plage et prendre le temps de manger. Émilie repère une piste balisée par un chasseur/pêcheur. Nous partons donc avec de l’eau et des collations pour rejoindre la route de VTT et retrouver les trois pagayeurs manquants, ceux qui marchent depuis qu’ils ont dessalé. Après 15 minutes de marche dans une végétation dense, nous trouvons l’ancienne route et remarquons les traces de pas au sol. On part en direction pour les retrouver, tout en sifflant pour attirer l’attention. Après 45 minutes de recherche, les participants sont retrouvés, puis on les conduit vers la plage. Il est déjà 16h. Tout le groupe est exténué, et nous avons seulement parcouru 4 km sur les 12 prévus. La décision est prise d’établir le campement pour la nuit.
26 juin
Il nous reste environ 20 kilomètres de rivière à parcourir avant la sortie. Nous avons une participante qui subit un coup de chaleur à cause de la veille et qui ne peut pas canoter, sans oublier le risque de dessalage dans les conditions de la rivière qui impliquent la complexité d’une récupération. En effet, le niveau d’eau semble beaucoup plus haut que ce que nous avions prévu, cela change grandement les conditions de navigation, sans parler du fait que le tracé de la rivière semble très différent en réalité que sur la carte que nous avons, nous ne savons pas ce qui nous attend en aval. Nous avons la sécurité de nos enfants et des nouveaux comme préoccupation principale et la journée de la veille a déjà été beaucoup trop intense pour notre groupe.
La décision est donc prise d’évacuer par la route. Première étape, Émilie part vers son auto laissée à la mise à l’eau pour voir si elle peut la rapprocher du groupe par la route de VTT.
Pendant ce temps, David, Jérémie et moi ouvrons une route dans le bois avec des outils, jusqu’à la route balisée utilisée la veille, afin que l’on puisse passer l’équipement.
Nous avions espoir de rapprocher les voitures, mais finalement il y a un affaissement de la route de VTT juste au début et c’est trop risqué de passer en voiture.
À cinq personnes, principalement les hommes, nous avons transporté les bagages de la plage vers la route de VTT (500 m). Pendant ce temps, les femmes sont parties avec les enfants à la marche vers l’auto laissée en haut. Elles sont ensuite allées à l’accueil de la ZEC afin de voir si quelqu’un pouvait venir nous aider avec des VTT. En effet, ce type de véhicule pourrait passer sur le chemin.
Vers 14 h, nous avons fait le dernier voyage à partir de la plage. Nous avons pris le temps de remplir toutes les bouteilles d’eau avant de quitter la plage, car l’accès n’est pas facilement par la suite. Il reste environ deux kilomètres à parcourir dans l’ancienne route jusqu’à l’accès le plus proche en voiture. Nous avons fait la navette des bagages en 2 étapes. Nous étions rendus autour de la moitié du trajet avec tout l’équipement. Le soleil plombant, une température ressentie de 40 Celsius, nous sommes passés au travers de toute l’eau que nous avions à faire des allers-retours avec les équipements.
Lors de notre premier aller-retour entre l’endroit où nous sommes rendus et le point où les autos peuvent se rendre, on entend des voitures arriver. Il s’agit de nos conjointes qui reviennent avec les voitures. Il est environ 17 h. L’un des employés de la ZEC va venir avec son VTT vers 19 h. En chemin, elles ont croisé des personnes. Ceux-ci ont accepté de nous aider et sont partis chercher des VTT à leur campement. Finalement, autour de 18 h, trois VTT étaient là pour nous aider à transporter l’équipement restant vers nos autos. Un gros merci aux 4 personnes qui sont venues nous aider.
Alors qu’on pense qu’on est « sortis du bois », les péripéties continuent. L’équipement et les canots chargés sur les voitures, on part pour traverser la ZEC et rentrer enfin à la maison. Premier arrêt pour rattacher un canot qui était lousse sur la remorque… Deuxième arrêt 15 minutes plus tard pour attacher un autre canot qui était lousse sur la remorque… Et c’est à ce moment que l’on constate que la remorque était mal fermée et que de l’équipement en est tombé en chemin. Je fais donc un demi-tour et refais la route pour trouver les divers morceaux éparpillés sur le chemin… dont un sac qui contenait les clés d’un des véhicules restés à l’accueil !
Nous sommes enfin arrivés à l’accueil de la ZEC autour de 21 h 30. Tous ont quitté la rivière sains et saufs, certains avec des pieds et des épaules endoloris. Au final, j’ai dû faire 20 kilomètres de rando avec une charge moyenne de 50 lb sur les épaules… au lieu de 20 km de rivière.
Normalement, je pars avec un téléphone satellite dès que je vais dans des zones sans couverture. Le changement de site de dernière minute, ainsi que la journée fériée m’a empêché d’en louer un. Une recommandation : en avoir un c’est toujours mieux.
Nous avons aussi sous-estimé la complexité de la rivière due au niveau d’eau qui était plus élevée que le relevé. Nous n’avions pas prévu non plus le changement de trajectoire créé par l’eau au fil des ans.
Nous aurions pu faire bien des choses différemment lors de la planification… et nous avons tous appris grandement de cette aventure !
L’erreur est humaine, mais dans ce cas-ci, elle nous a coûté (seulement, heureusement !) :
- 1 ballon de pointe
- 2 pagaies
- 1 paire de souliers
- 2 chapeaux
- 1 bouteille d’eau
- et beaucoup, beaucoup de calories…!
Un gros merci à ceux qui nous ont aidés à sortir l’équipement. Un gros merci aux gens croisés sur la ZEC qui sont venus nous aider avec leur VTT.
Marcel Vincent says
Très bon article, c’est important de rapporter parfois les expéditions qui ont eu des difficultés, c’est très formateurs. De bien cerner les enjeux et les partager c’est vraiment un beau geste de prévention pour tous.
Anne Préfontaine says
Et moi qui croyait que les sorties familiales étaient relaxes. Vous n’avez définitivement pas manqué d’action. Par chance qu’il y avait des gens expérimentés dans le groupe et qu’il y a eu de l’entraide. Les nouveaux sont-ils partants pour une nouvelle expédition? Merci Yan pour cet article qui ne manque pas de piquant.
Émilie RJ says
Disons qu’on visait plus relaxe, en effet! Et qu’on a encore plus l’intention que ce soit relaxe la prochaine fois! On a mis des outils de plus dans nos poches pour y arriver! 😉